LES PULSIONS

 

Les pulsions sont des tensions psychiques potentielles, expressions de la force vitale, dirigées vers des objets (au sens le plus général).

Elles ne peuvent être apaisées que par les satisfactions des besoins (réels) qu'elles traduisent, ce qui implique une interaction concrète entre l'individu et la Nature. Ces satisfactions ont une extension limitée et variable dans le temps.

Il n'y a pas de hiérarchie de valeur entre les pulsions mais une hiérarchie d'ordre, ou d'impératif : la finalité d'une pulsion n'oriente l'activité que lorsque la précédente (dans l'ordre de présentation) est suffisamment apaisée.

Note : les pulsions de conservation et de propagation sont rassemblées sous le terme "pulsions de base".

 

La pulsion de conservation

Elle englobe les tensions de l'individu liées à sa propre survie et, au-delà, à son installation dans le meilleur état physique possible :

La pulsion matérielle : attraction vitale vers l'environnement matériel ; vers l'eau, la nourriture, la chaleur ou la fraîcheur... L'activité primaire associée est le prélèvement. Les activités secondaires sont la prospection et l'entretien.

La pulsion de défense : répulsion vitale de l'environnement agressif : êtres vivants, excès climatiques, ... L'activité primaire associée est la réaction de défense, par la fuite (retraite) ou l'attaque (à moins que ne s'installe la paralysie de peur). Les activités secondaires sont la prévention (veille passive ou intervention active) et l'action curative.

 

Le progrès technique de l'Homme a engendré une longue liste de besoins matériels secondaires : produits manufacturés, outillage, matériaux, énergie, ... pour l'agriculture, l'habillement, l'habitation, le chauffage, la médecine, l'activité militaire, ... et de méthodes associées : stratégies, procédés, ...

 

La pulsion de propagation

Elle englobe les tensions de l'individu liées à la conservation de l'espèce par la reproduction.

La pulsion sexuelle : attraction vers les individus du sexe opposé ayant pour but l'acte sexuel simple. L'activité primaire est l'acte sexuel. Les activités secondaires sont la prospection et la séduction.

La pulsion parentale (tout spécialement maternelle) : impulsion de l'individu à suppléer à la faiblesse de son enfant dans la satisfaction de ses besoins matériels. L'activité primaire associée est l'alimentation directe du jeune. L'activité secondaire est l'éducation.

 

Concernant l'Homme, en particulier, la pulsion de propagation est nettement sexuée, c'est à dire qu'elle induit des comportements masculin et féminin nettement différents.

 

La pulsion d'adaptation

Elle englobe les tensions de l'individu liées à sa propre optimisation. Il est utile d'y distinguer deux aspects jumeaux :

La pulsion de domination : impulsion vers une meilleure maîtrise par l'individu de son environnement, en profondeur (degré de maîtrise) ou en surface (étendue). Le plaisir de vaincre, le plaisir de découvrir, ... relèvent de cet aspect.

La pulsion de réalisation de soi : impulsion vers une meilleure maîtrise par l'individu de ses capacités potentielles, physiques ou psychiques, en profondeur (perfectionnement) ou en surface (activités nouvelles). Le "besoin de perfection", le plaisir du jeu, ... en relèvent.

 

La pulsion d'adaptation n'a pas d'objet précis, si ce n'est la Nature dans son ensemble.

Dans son expression la plus simple, elle traduit le besoin qu'a l'individu, sans autre but, de découvrir, de comprendre, d'exprimer sa force et son adresse, physique ou mentale, et son sens artistique.

Elle peut aussi rejoindre les pulsions de base, permettant - positivement - de mieux satisfaire les besoins associés, en qualité, en quantité, et en régularité ("besoin de sécurité"). Ce "mieux" - s'il y a effectivement - traduit ici son propre besoin.

Dans sa plus large extension, elle recherche l'élévation globale de l'individu - qui implique sa propre maîtrise - c'est à dire l'augmentation de sa joie de vivre. Là, où se perd l'objectivité, se trouve sa limite.

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Nous ajouterons aux pulsions que nous venons de décrire, et parallèlement à celles-ci, L'inclination sociale, considérée en quelque sorte comme une "pulsion faible" :

Inclination à vivre en groupe, à y constituer une hiérarchie (basée sur les performances réelles des individus) et à y pratiquer l'entraide, l'action collective, et la distribution des tâches.

 

Commentaires

* La hiérarchie d'ordre des pulsions correspond à l'ordre historique de l'évolution : les premiers êtres se nourrissaient mais avaient une reproduction asexuée, les suivants sur le front de l'Evolution étaient sexués mais avaient peu de latitude pour modifier leur comportement et leur environnement (en tant qu'individus, c'est à dire autrement que par mutation (et implantation), qui marque, elle, une nouvelle étape de l'Evolution), etc ...

Plus les êtres sont apparus tard dans l'Evolution, moins ils ont été susceptibles d'évoluer par mutation et plus ils ont eu de latitude dans leur adaptation individuelle. L'évolution s'est ainsi faite par sauts de moins en moins fréquents et de plus en plus marqués, caractérisés par une augmentation de la capacité d'adaptation (ou de progression). La pulsion d'adaptation est ainsi la caractéristique essentielle de l'Homme, "dernier maillon" actuel de l'Evolution.

Note : le terme "dernier maillon" est mis entre guillemets car s'il est justifié pour ce qui concerne la capacité d'adaptation, l'Evolution a fait croître une structure arborescente (discontinue) des espèces, dont la frontière vit actuellement et peut croître en n'importe quel point, même si l'on place l'Homme au faîte. Il n'est d'ailleurs pas assuré que les êtres vivants autres que l'Homme ne peuvent conduire qu'à des êtres plus faibles que lui. Conjointement, l'Homme n'est l'extrapolation que de sa lignée et pas des espèces qui sont apparues dans d'autres branches, et ce d'autant moins que les embranchements sont éloignés (même si des points communs subsistent forcément du fait d'un ancêtre commun).

* Concernant la pulsion matérielle, les objets cités ne couvrent pas tous les besoins essentiels du corps. Il manque, par exemple, les besoins de régénération et d'excrétion : repos, sommeil, ... et besoin d'uriner, de déféquer, de suer, ... Toutefois, ceux-ci peuvent difficilement être qualifiés de pulsionnels. De même, définir l'air, et même l'eau et la chaleur comme objets pulsionnels a quelque chose d'abusif. Pourtant, manquer d'air suscite un besoin impératif, bien plus qu'avoir faim. Quant à la nécessité de battre du cœur, elle est aussi impérative que peu contrôlable, de même que toutes les autres fonctions dites pour cela "végétatives".

Ceci nous conduit à bien définir le caractère pulsionnel : il n'y a pulsion que quand il y a une distance, et en particulier dans le temps, entre le besoin du sujet et son objet. Autrement dit, plus un besoin est impératif (devant être satisfait à brève échéance), moins il est pulsionnel. (Note : ceci n'implique évidemment pas que moins un besoin est un besoin, plus il est pulsionnel : le besoin est inné).

Ceci fait que les pulsions ne sont réductibles ni à leurs objets, ni aux stricts besoins qu'elles traduisent. La pulsion matérielle n'est pas synonyme de faim, ou la pulsion de défense de peur, par exemple. Une pulsion peut rester active au-delà du strict besoin, et donc non apaisée par la satisfaction de ce besoin (ce qui relève de l'Erreur). Elle permet inversement de suspendre l'action afin d'en optimiser le résultat.

* Notons que lorsque l'enfant naît, ses besoins matériels, comme les plaisirs de les satisfaire, ont un fort caractère d'immédiateté. Ce n'est qu'avec la mise en service de son potentiel psychique qu'ils prennent un caractère pulsionnel net (stade d'appropriation vers deux ans, par exemple). Conjointement, s'exprime avec une force grandissante la pulsion d'adaptation ("C'est moi tout seul !", "Regarde ce que je sais faire !", ...).

La pulsion de propagation n'apparaît qu'à la puberté, c'est à dire bien plus tard, alors que la force psychique est totalement développée. Ceci n'a toutefois rien à voir avec la hiérarchie des pulsions. En effet, c'est un mécanisme physiologique qui apparaît pour toutes les espèces sexuées : la maturité sexuelle "attend" que l'individu ait quasiment achevé sa propre croissance avant que de se dépenser pour la propagation de l'espèce.

Ce qui est en relation avec la hiérarchie des pulsions, c'est le développement de l'enfant depuis la conception, qui repasse, en quelque sorte, par les étapes de l'Evolution ayant conduit à l'Homme. Le fœtus s'alimente en se fixant avec perforation à l'utérus après seulement quelques jours. La sexualisation intervient après huit semaines de vie fœtale, influant dès lors sur les déclenchements hormonaux et le développement du corps, y compris le cerveau. Le développement de celui-ci se situe entre six et trente-sept semaines.

* Les commentaires précédents peuvent conduire à se demander si la distinction entre les différentes pulsions est bien légitime. En effet, si "pulsion" implique "distance" et "activité psychique", il peut sembler assez artificiel de définir des pulsions de base d'une manière qui serait applicable, en exagérant, à un ver de terre, pour, d'un autre côté, définir une pulsion d'adaptation sans objet précis.

Le terme "pulsion" suppose effectivement l'activité psychique et n'est donc pas applicable au ver de terre comme à l'Homme.

L'ensemble des pulsions constitue la tension psychique potentielle (force vitale) de l'individu sain. Les pulsions de base traduisent plutôt l'aboutissement de lignes de force sur des objets, tandis que la pulsion d'adaptation traduit le départ de lignes de force depuis le sujet. Mais il n'y a pas identité entre la dernière et les premières, même si la dernière permet de mieux satisfaire les besoins associés aux premières. La distanciation entre (et donc l'apparition de) sujet et objet a donné au sujet une autonomie vis-à-vis de l'objet. L'inverse (distanciation et asservissement absolu à l'objet simultanément) est d'ailleurs impossible à concevoir. Conjointement, la pulsion d'adaptation a bien un caractère pulsionnel propre, qu'il convient aussi d'apaiser.

Pour autant, la pulsion d'adaptation n'est pas strictement subjective (d'ailleurs, sujet et objet se définissant l'un par rapport à l'autre, rien ne peut être strictement subjectif). Le besoin (réel) implique toujours l'interaction concrète avec la Nature. Il engage soit un objet réel appartenant à l'environnement, soit le corps de l'individu lui-même (et son équilibre sous l'action de la force de gravité, par exemple), soit un objet mental lié à une référence interne à l'ordre naturel : objet "mathématique", lié à l'intellect logique ou, à la limite, objet "artistique", lié indirectement à l'Esprit.

Notons que les activités secondaires citées pour les pulsions de base - la prospection par exemple - contiennent déjà une adaptation de l'individu, la plus simple : dans l'exemple, chercher ce dont il a besoin et qui ne se trouve pas immédiatement à sa portée.

* Le terme "fuite" n'a ici aucune connotation péjorative.

* La conservation de l'espèce est une conséquence et non un but de la pulsion de propagation.

* La pulsion d'adaptation est appelée par Paul Diel "pulsion évolutive" ou "pulsion spirituelle". Nous n'avons pas retenu ces noms car repoussant à la fois la théorie de l'évolution continue et la définition de l'Esprit comme un objet de pulsion. Il reste cependant que la pulsion d'adaptation, bien que n'ayant pas de vision objective de l'Esprit - ce qui vaut capacité à l'Erreur - recherche la Joie-de-vivre et que celle-ci est libérée par la conformité à l'Esprit.

C'est d'ailleurs en objectivant l'Esprit, bien qu'il ne soit pas un objet, que la Psychologie des Profondeurs peut exister, en permettant ainsi à la pulsion d'adaptation de se diriger. Cette objectivation doit ici cesser en dernier ressort pour accéder effectivement à la conformité à l'Esprit.

* La satisfaction - et non l'inverse - du besoin d'adaptation va de pair avec l'atteinte des limites. Il n'est donc nullement nécessaire à la satisfaction saine que l'individu fasse "plus difficile que la dernière fois" ou "plus difficile que les autres", dans la mesure où il sait avoir atteint ses limites.

* L'union faisant (parfois) la force, la pulsion d'adaptation pousse à l'organisation en société, qui permet à l'individu, en quelque sorte, d'augmenter son efficacité. En contrepartie, il perd en autonomie et devient dépendant du groupe pour sa satisfaction. Ceci est distinct de l'inclination sociale, même s'il en dépend.

* La pulsion d'adaptation pousse l'individu, d'un côté, à modifier et étendre son environnement, et, d'un autre côté, à le maintenir pour continuer de le maîtriser. Dans ces conditions, l'individu n'apprécie le changement que quand il en prend la direction.

* Concernant l'inclination sociale, la hiérarchisation comporte un aspect à connotation sexuelle : la lutte des mâles. Il a une fonction de propagation car amenant les individus les plus vigoureux, ou rusés, à assurer l'essentiel de la descendance. Chez l'Homme moderne ceci n'est plus déterminant. Dans la manifestation de l'Erreur, en revanche, il reste une particularité du comportement des individus mâles.

 

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